Si la parfumerie était une cour royale, l'orange amère ou bigarade (Citrus aurantium) serait un monarque puissant à la famille scandaleusement talentueuse. D'un seul arbre proviennent quatre des ingrédients les plus emblématiques de la parfumerie : la fleur d'oranger, le néroli, le petit grain et la bigarade. Ils sont liés par le sang (ou plutôt par l'écorce), mais chacun a sa propre personnalité.

Faisons connaissance avec la famille.

La fleur d'oranger : la reine de la séduction

La fleur d'oranger est la plus glamour. Elle est douce, enivrante et toujours légèrement trop habillée, comme une star de cinéma vintage se prélassant dans un nuage de dentelle blanche et sous un éclairage tamisé. Extraite par distillation à solvant des délicates fleurs blanches de l'oranger amer, l'absolue de fleur d'oranger est riche, sensuelle et crémeuse. Elle possède des notes florales comme le jasmin, avec une petite touche animale sous la douceur. Juste ce qu'il faut pour la rendre intéressante.

En raison de son caractère opulent et corsé, la fleur d'oranger se retrouve le plus souvent dans les parfums floraux ou floraux-ambrés, ajoutant romantisme et sophistication à la composition.

Vous la trouverez luxueusement drapée dans des parfums tels que

• Selene de Manos Gerakinis, accompagnée de jasmin, de violette et d'une note sucrée de praline.
• Flame and Fortune de Sarah Baker, avec de la tubéreuse sensuelle et une note unique d'huile de moteur.
• Hesperia de WienerBlut : agrumes avec encens et buis.
• Terraviva d'Agatho, avec des agrumes et des fleurs sur une base boisée avec du oud et de la vanille.

Néroli : la cousine propre et frais

Alors que la fleur d'oranger porte de la soie, le néroli porte du coton blanc impeccable. Techniquement issu de la même fleur, le néroli est extrait par distillation à la vapeur, et ce seul changement fait toute la différence. Elle est plus verte, plus fraîche, plus posée. Elle a quelque chose d'étincelant et de légèrement amer. Imaginez des fleurs d'oranger flottant dans un gin tonic bien frais.

Historiquement, l'huile de néroli était le parfum de l'aristocratie, célèbre pour avoir été portée par la princesse de Nerola au XVIIe siècle, qui en parfumait ses gants et l'eau de son bain. Nous comprenons tout à fait : le néroli est addictif. Lumineux, floral, légèrement savonneux, mais jamais ennuyeux.

Grâce à son caractère pétillant d'agrumes et de fleurs, le néroli brille généralement dans les parfums d'agrumes et des fleurs fraîches, donnant souvent une note de tête lumineuse et aérienne.

Retrouvez le néroli dans :

• Libertine Neroli de Francesca Bianchi, où le néroli est niché dans une structure chyprée avec de la bergamote et de la mousse de chêne, avec une touche animale.
• Cap Neroli de Nicolaï : avec des agrumes, des notes aromatiques et de la mousse de chêne
• Flamenco Neroli de L'Orchestre Parfum, avec du bois de cèdre et de la bigarade

Petitgrain : l'herboriste sauvage

Alors que les fleurs sont occupées à jouer les stars, les feuilles et les brindilles de l'oranger amer exercent discrètement leur magie verte. Découvrez le petitgrain : herbacé, boisé, acidulé. Si le néroli est le champagne, le petitgrain est une infusion glacée aux herbes avec une touche d'écorce d'agrumes, servie sous un olivier.

Le petitgrain sent les feuilles vertes écrasées et l'écorce réchauffée par le soleil. Il incarne l'air frais, le linge propre et un jardin juste après la pluie. Il apporte une fraîcheur sèche à la fois apaisante et énergisante.

On trouve généralement le petitgrain dans les parfums aromatiques, verts ou hespéridés, souvent associé à des herbes ou des bois légers.

Essayez Lightsource d'Andrea Maack, avec de la figue verte, du poivre et de la rose cristalline, ou Villa Nellcôte de 19-69, avec des fleurs douces et des agrumes.

Bigarade : le mauvais garçon amer

Enfin, il y a la bigarade : l'huile pressée à froid à partir de l'écorce du fruit de l'orange amère. Il n'est pas là pour faire dans la dentelle. La bigarade est juteuse, acidulée, légèrement amère et nerveuse. Comme cet ami qui vous dit la vérité même si cela fait mal, mais dans le bon sens du terme.

Vive, acidulée et rafraîchissante, la bigarade ajoute une touche piquante à la note de tête de nombreux parfums. Elle est particulièrement appréciée dans la parfumerie moderne pour couper la douceur et ajouter une touche de caractère.

La personnalité acidulée de la bigarade en fait un ingrédient incontournable des parfums d'agrumes, aromatiques et boisés frais, parfait pour les parfums estivaux énergiques ou les compositions minimalistes et vives.

Vous retrouverez son punch citronné audacieux dans des parfums tels que Tryst de Hiram Green et Flamenco Neroli de L'Orchestre Parfum.

Alors... sont-ils floraux ou citronnés ?

C'est là tout l'intérêt : cela dépend. Ces ingrédients de l’orange amère se situent entre deux catégories. La fleur d'oranger tend vers le floral. Le néroli est citronné avec une touche florale. Le petit grain ? Vert, herbacé et acidulé. La bigarade est purement citronnée. Selon lequel de ces ingrédients est utilisé et comment, un parfum peut appartenir à la famille des parfums floraux, citronnés, aromatiques verts ou même ambrés.

En d'autres termes, ce n'est pas tout noir ou tout blanc. C'est orange (avec de nombreuses nuances de vert, de blanc et d'or).

Et pour compliquer encore les choses, vous trouverez très souvent plusieurs membres de la famille dans un même parfum, chacun mettant en valeur un aspect particulier de l'arbre généalogique.

Vous rencontrerez au moins trois membres de la famille dans le parfum propre California Blossom de Maison VIOLET, dans le parfum contrasté Symmetry de Sarah Baker où il est mélangé à du oud, dans le parfum entièrement naturel Tryst de Hiram Green et dans le parfum estival Cap Néroli de Nicolaï.

Photo credits: Tyler Shaw sur Unsplash